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28 avril 2008 1 28 /04 /avril /2008 07:40
Le début à la rubrique Textes / Roman

                    Aux aurores, enfin presque. La voix de Zeus en colère tonne, tempête force 13, ça tangue, ça roule, ça chavire.
— Pti-Péni ! Oh Pinuchon de mes deux ! Bouge tes miches, ouvre tes mirettes !
La limace interpellée a du mal à sortir du torchon, engluée, baveuse, elle cherche l’air, se demande ce qu’elle a fait pour mériter ça, nom de Zeus.
— Y a les keufs en bas, ils te cherchent. Ils sont un max de paquets. Ils font toutes les montées. Ils seront là dans pas cinq minutes !
Le gastéropode tousse, crache, se mouche dans ses doigts, ses boyaux se tordent, lâchent un pet foireux, le drap qui colle, ça schlingue. Le matelas verse par tribord, la momie roule, se débat, se recroqueville puis émerge de son cocon, plus larve que papillon. Fernand le secoue en criant que ça urge, qu’il y a le feu.
Pti-Péni croise le cadran de son réveil et n’en croit pas les aiguilles : sept heures et demie. Pour un dimanche il aurait préféré les croissants au lit !
— Bouge-toi ! Je te dis que la volaille grippée veut te cueillir.
Du poulet au pti’déj’, en voilà une drôle d’idée.
Soupirs et bâillements, l’œil éteint, du smog dans le bocal. Une plaquette de Delvinal bien entamée traîne à côté du lit. Sensation terreuse dans la bouche, Pierre-Nic’ articule péniblement.
— Même plus moyen de glander au pieu le jour du saigneur des agneaux. Bon, d’accord, je passe mon temps à dormir, mais avec cette chaleur, c’est excusable.
Fernand reste un peu médusé.
— Mais merde ! Qu’est-ce qui t’arrive ? T’as entendu ce que je viens de te dire ? Les poulagas sont en bas et pas de bon poil, c’est toi qu’ils cherchent. Tu ne vas pas te laisser embarquer ?
Voix de petit garçon pleurnichard pris en faute.
— J’ai rien fait moi.
Fernand le bouscule, il se retrouve illico dans les cordes, compté dix. Fernand module et adopte le ton paternaliste, quelque chose qui cloche, il ne l’a jamais vu dans cet état. Il aperçoit la plaquette de cachets, l’agite sous le nez du morveux.
C’est quoi c’te merde, t’en as pris combien ?
Il ne sait plus, il se dégonfle, il veut se rendre, ça ne l’amuse plus, il ne remettra pas les pieds aux Pâquerettes, il les aime tous, il pensera à eux du fond de sa cellule.
Fernand le traîne sous la douche, froide. Il passe dans la cuisine, fait chauffer de l’eau et prépare deux tasses, le pot de café lyophilisé est sur la table.
Détrempé et fébrile, Pti-Péni réapparaît, légèrement moins dans les vapes, il essaie de s’habiller. Boutonne Jules avec Paul… Il est prêt.
— Tiens, bois ça.
Il grimace en avalant le liquide amer et trop chaud. Il ramasse son portefeuille, son antique passeport. Fernand tente une dernière fois de le convaincre.
— À mon avis, tu fais une connerie, on peut encore arranger le truc.
Pierre-Nicolas secoue la tête, respire un grand coup et le plante là, debout, son café à la main. Il descend l’escalier, un peu au radar, des bruits de voix derrière les portes, des cris en bas, il y a de la tension dans l’air.
    Va-y roule ma poule, roule ta boule, boulingrin, grain à moudre… J’ai peut-être un peu forcé la dose. Qu’est-ce qu’ils me veulent ? Enfin bon, autant qu’ils ne me trouvent pas dans ce trou à rats.
Un groupe de lascars monte en courant, le bouscule, ils auront une meilleure vue de la terrasse, et un bon pas de tir.
Le ciel est limpide, un petit air frais coule du nord, le monde semble plus léger. À cinquante mètres, un rassemblement autour d’une estafette estampillée « Police ». La présence de ces messieurs ne passe jamais inaperçue aux Pâquerettes. On frise l’émeute, les braises sont encore vives et prêtes à s’enflammer. Sur les parkings alentour on voit nettement les traces noires des voitures incendiées naguère.
Pierre-Nicolas n’hésite pas, il se dirige vers le fourgon.
Arrivé à destination, on s’écarte pour lui livrer le passage, les langues se calment, les mains rejoignent les poches bourrées de caillasses. Une caméra pointe son museau, un « correspondant local » a eu le temps de prévenir la presse.
Pti-Péni se redresse, fait face aux policiers, deux sont en civil, un grand nombre en panoplie Robocop. La caméra s’avance, clap première. Le héraut sort sa tirade.
— Bonjour, messieurs. J’ouïs causer que vous me cherchiez, me voici, je suis à votre entière et totale disposition.
Petite révérence un poil surjouée. Il est immédiatement entouré, ceinturé. L’un des policiers en civil se présente et lui demande s’il est bien monsieur Pierre-Nicolas Sorin. Le sus-nommé tend son passeport, l’assermenté exhibe un papier en forme de commission. Pierre-Nicolas n’a le temps que d’un rapide coup d’œil avant d’être embarqué dans le panier à salade.
Il réussit à se retourner et à lancer à la cantonade :
— Moriturus te salutat. Et ne vous en faites pas, gardez-m’en une au frais, hein ! Je compte sur vous !
La portière se referme sèchement, quatre agents montent en sa compagnie, pas vraiment pour la lui tenir, la compagnie. Le fourgon démarre, encadré par plusieurs voitures, gyrophares allumés, mais pas de sirène, sans doute est-il un peu tôt pour réveiller la remuante jeunesse du quartier. Plusieurs impacts sur la tôle, instinctivement les têtes rentrent dans les épaules. Ce n’est qu’un au revoir, pour le principe, respecter les traditions et s’alléger les poches.
Pierre-Nicolas s’informe de la destination, on l’emmène au commissariat central, police judiciaire. Il aimerait savoir le pourquoi de ce déploiement de force, qu’une simple voiture avec chauffeur eût suffi. Pas de réponse, regards sombres, il laisse tomber. L’estafette remonte le quai en direction du centre. Dix minutes plus tard, ils pénètrent dans l’enceinte du château fort.
Longs couloirs éclairés au néon, agitation, portes qui s’ouvrent, claquent, allées venues incessantes, la ruche de la sécurité.
On lui fait vider ses poches, signer un formulaire.
— Entrez ici et attendez.
Il entre, la serrure claque derrière lui. La pièce est nue, murs blancs plus très nets ornés de graffitis régulièrement effacés, en face un banc scellé au mur. Il s’installe et attend. Il aperçoit l’œil noir fixé sur lui, il sourit, normal puisqu’il est filmé.
    Quel con de ne pas avoir appelé Nathalie. Au moins elle saurait où je suis. Bah, qu’est-ce que cela aurait changé ? Avec un peu de chance elle l’apprendra en regardant la télé. Soyons philosophe et parions qu’ils ne vont pas me faire poireauter là trois heures, après tout je peux finir ma nuit. Ce Fernand tout de même… Qu’est-ce que j’ai encore foutu hier soir ?
Il s’étend, ferme les yeux, croise les mains sur son ventre et essaie de trouver une respiration régulière.
    Zen mon gars. C’est le moment de mettre en pratique ce que tu as appris. Relaxation, respiration lente, ne plus penser à rien.


        Nathalie s’est accordée une grâce matinée dominicale, mais là, l’heure tourne, elle aussi, dextrogyre dirait un entomologiste averti. Sur la table du salon, La Traboule-Dimanche.
La veille au soir, juste avant le bouclage, âpre dispute avec le directeur de l’édition dominicale, Medvenitch en soutien, elle défend son bout de gras, affirme mordicus qu’il y a un lien entre Isabelle Plantier et Maria Chamrave, disparues le même jour aux Pâquerettes ! Il faut coller à l’info, lundi le soufflé risque d’être retombé. Elle explique, un  rien didactique.
Primo : Mlle Chamrave a vu ceux qui ont jeté Isabelle Plantier à l’eau, ce n’est pas possible autrement.
Secondo : Par un concours de circonstances extravagant, la police met la main sur un homme impliqué dans le meurtre et l’enlèvement.
Moralité : Dans les vingt-quatre heures, il va y avoir de l’inédit et tous les concurrents seront au parfum.
— Il faut que mon article paraisse demain matin !
Le directeur lève les bras au ciel.
— Il faut ! Il faut ! C’est encore moi qui décide dans cette maison ! Vous n’avez pas la moindre preuve, que des intuitions, des déductions. Miss Sherlock ! Il me faut du concret, des faits !
Des faits ! Elle en a à revendre, un meurtre, une disparition, une interpellation, que lui faut-il de plus ? Il veut des assurances.
— Ce type, celui qu’ils ont arrêté, êtes-vous absolument certaine qu’il soit impliqué ? Bob a tâté le terrain à la Crim’, pas la moindre fumée.
— Un, il me suit. Deux, il bousille ma bagnole. Trois, il se fait emboutir devant chez les parents de la disparue, avec une arme sur lui ! Bob vient d’allumer l’incendie et nous allons nous faire griller.
Le dirlo finit par céder, en y mettant les formes. Si jamais elle les plonge dans la mouise, c’est elle qui saute. Il n’y aura pas de parapluie. L’article est en page 4.

        Nathalie regarde voler les mouches, elle attend les réactions. Silence radio, elle commence sérieusement à s’impatienter.
    Midi et toujours rien. Cet imbécile de Pierre-Nicolas, je le retiens celui-là, je vais te lui passer un de ces savons, il doit être en train de cuver je ne sais où, sous un pont ! En revanche, que Dorno fasse le mort… là, je ne comprends pas.


            Le capitaine Dorno a lu l’article. Mais il a mieux à faire, veiller un mort, pas tout à fait, mais ça y ressemble. L’homme de l’accident, encore non identifié, est toujours dans le coma. Les médecins sont optimistes, une question d’heures. L’É.E.G. s’améliore et le scanner n’a révélé aucune lésion grave.
    Si je réussis à le faire parler, la route de l’avancement s’ouvre. Et rien que pour voir la tête des copains, la Judiciaire doublée par un flicaillon de quartier.
Il se construit son roman-feuilleton en attendant que le dormeur ait enfin les idées claires. Ce qu’il ne sait pas, c’est que les « Judicieux » ne restent pas inactifs, ils remontent activement et avec succès la piste de l’agence M.E.D.I.N. Pour une petite sirène, Melle. Plantier frayait avec les requins et savait attirer le merlan dans ses filets.


            Nathalie n’en peut plus, elle craque. Aucun écho, à croire que le journal n’est pas sorti dans les kiosques.
Il faut que je bouge, je ne peux pas rester là comme une gourde. Dorno a peut-être une bonne excuse pour couper son téléphone, quant à Pierre-Nicolas, il dira ce qu’il voudra, je vais te le dénicher aux Pâquerettes cet étourneau de malheur. S’il imagine que je compte pour du beurre, il se le met jusqu’au coude, en restant polie. La Nathalie, elle est bien bonne pour rendre service, on voudrait bien coucher avec, et puis hop ! kleenex ! J’en ai marre.
Elle sort, monte dans sa voiture, fait ronfler le petit moulin et laisse de la gomme sur le goudron.
    Non, tu ne vas tout de même pas te mettre à pleurer, ce n’est pas le moment. Tu aurais l’air de quoi ? Ce petit mec n’en vaut vraiment pas la peine. Pense un peu à toi. Joue-la femme dynamique et sûre d’elle. Tu l’auras ton scoop de l’été, tiens bon. C’est le métier qui rentre diraient les vieux. Allez ! Je me paye le luxe de me garer en bas de chez lui.
Le quartier est tranquille, des enfants, des femmes en costumes traditionnels, des ados qui s’emmerdent, il manque les hommes. Où sont-ils ? Devant la télé, au café P.M.U., mystère… Nathalie descend, un regard vengeur sur la rayure, puis sur les étages de la tour.
— M’dame, vous venez voir Pti-Péni ?
Le gosse l’observe, une huitaine d’années, mine dégourdie, quatrième génération, mi-souriant, mi-méfiant. Elle ne comprend pas tout de suite, elle ne connaît pas de « Pti-Péni ».
— Les fucks sont nuvs le pécho ce nitam’. Ça a fait un buzzz, lamec j’te jure. Y avait la télé, trop grave.
Elle reste un peu interloquée, le temps de basculer en position traduction automatique.
— Qu’est-ce que tu me racontes ? Tu veux dire que la police a arrêté Pierre-Nicolas ? Comment l’appelles-tu ?
— Pti-Péni. Tu l’connais ou tu l’connais pas ? Tu fais quoi là ? T’es une sossas la vie d’ma mère !
Le ton devient agressif, le gamin crache aux pieds de l’étrangère. Nathalie réagit assez vite pour éviter le clash.
— Je suis une amie, nous avions rendez-vous en ville ce matin, c’est pour ça, je m’inquiète, c’est tout, je ne suis pas une… Comment tu dis ?
— Une meuf assistante sociale, douk’tu sors ? Le Pti-Péni ils l’ont tufou en gav’, trop tôt j’te jure.
Elle décode et sent l’harissa lui monter dans les narines. Pierre-Nicolas en garde à vue. À ce moment précis, les oreilles du capitaine sifflent désagréablement. Il n’en comprend pas la cause.
    Ah le faux-cul ! Il m’a fait ce coup en douce.
Elle remonte dans son bonbon rose et bonhomme Michelin se frotte les mains. Le petit bolide roule à vive allure, les feux tricolores ne semblent plus vraiment le concerner, pas plus que les priorités à droite et les coups de klaxons.
Arrêt grinçant devant le commissariat du septième.
Dans le hall, le planton de service l’interpelle. Un commissariat n’étant pas un moulin des quatre vents, il veut savoir qui elle est et où elle va.
Nathalie s’excuse, elle doit parler au capitaine Dorno, c’est extrêmement urgent.
Oui mais voilà, il n’est pas là. Il n’est pas non plus au restau du cœur, non, du coin, et coup de théâtre final… Il n’a procédé à aucune interpellation ce matin, ni aux Pâquerettes, ni ailleurs.
Mais alors… qui ? Se demande-t-elle.
— Ça, je ne sais pas mademoiselle. Sans doute une brigade spécialisée, il faut voir avec le Central.
Y aurait-il des poulets télépathes, effet secondaire de la grippe ?
— Et M. Dorno, vous ne savez vraiment pas où je peux le joindre ? C’est important. Son mobile est coupé. Personne ne sait ? Ses collègues ?
Elle la joue enfant perdu un jour de visite du pape. L’agent de service compatit, et puis avec les journalistes, les directives demandent d’avoir du doigté.
Il décroche, parle avec plusieurs postes. Nathalie piétine, elle ne comprend plus ce qui se passe. Le hall résonne de son cri.
— L’hôpital !
Éclair de génie. Elle plante là le planton qui la regarde partir en courant, le combiné suspendu.
Mais que tu es nulle ma pauvre fille. Il ne peut être qu’à l’hosto. Et de toute façon, il faut que je sache où en est l’accidenté. S’il a passé la nuit.
Nouveau départ formule un. L’idée qu’un policier puisse ne pas être de service un dimanche ne lui traverse pas un instant l’esprit. Pourtant Maigret était pêcheur à la ligne.
Au service de réanimation, l’infirmière de garde ne veut rien savoir. Les visites sont interdites, elle ne peut rien dire, secret professionnel oblige. Nathalie la cuisine, un policier est-il passé voir cet homme ? Celle-ci fait savoir avec un agacement visible qu’elle ne travaille pas pour une agence de renseignements et répète qu’elle ne peut rien communiquer concernant une personne hospitalisée. Nathalie s’énerve.
— Et moi, je vous dis que la vie d’une jeune femme est en jeu et que je dois absolument voir ce flic !
Regard vague et un peu gêné de l’infirmière. Une voix résonne.
— Qu’est-ce que vous lui voulez à ce flic ? Lui raconter des histoires à dormir debout pour pouvoir écrire un bel article, en exclusivité, comme celui de ce matin ?
Le capitaine, un léger sourire aux lèvres, la contemple, satisfait de son petit effet. Nathalie, sous tension, le bombarde de questions, sans préalable. Est-il réveillé ? A-t-il parlé ? Sait-il qui a arrêté Pierre-Nicolas ?
La meilleure défense étant l’attaque, il tire à son tour une salve. Connaît-elle oui ou non le chauffeur de la voiture ? Qui est réellement son informateur ?
Sur sa lancée elle élude et recentre.
— Bien sûr que non ! Je ne connais pas ce type, mis à part que c’est lui qui m’a cabossée. Il m’a repérée quand je suis allée voir la coloc d’Isabelle Plantier. Il m’a suivie. Mais c’est complètement par hasard qu’il a cogné Pierre-Nicolas.
Dorno marque le point, il profite de son avantage.
Qui est ce Pierre-Nicolas ? Que vient-il faire dans la partie ?
L’impasse, elle avoue, profile bas. C’est lui qui l’a informée de la disparition de Maria, il habite aux Pâquerettes. Pourquoi l’ont-ils emmené ?
Dorno saisit l’opportunité d’une conversation en tête-à-tête. Il était au courant de l’opération aux pâquerettes mais n’avait pas fait le lien avec l’informateur de Nathalie. Il l’emmène dans une petite salle, genre salle d’attente, le coin sinistre par excellence.
— Si je vous comprends bien, un certain Pierre-Nicolas a été arrêté ce matin ?
Toujours sur les nerfs, elle s’énerve.
— C’est ce que je vous répète depuis une heure ! Mais par qui ?
— On se calme. Vous allez tout me raconter depuis le début, fini de jouer les agentes trop spéciales. Pour commencer, ce Pierre-Nicolas, c’est lui le fameux « Kanto », celui que « tout le monde » connaît ?
— Oh, ça va ! C’était pour gagner un peu de temps. Vous n’allez pas en faire un plat !
Il sent qu’elle va lâcher prise et qu’il ne doit pas la brusquer. Un distributeur trône près de l’entrée. Il lui offre un café.
— Vous lui auriez sans-doute évité de sérieux embêtements en m’en parlant tout de suite. Entre autre son arrestation de ce matin.
— Par qui ?
Il préfère conserver son atout en poche, d’autant que selon ses sources il serait question d’un trafic de stupéfiants en lien avec un réseau international.
— Commençons plutôt par le début. Il était une fois…
— Mais…
Changement de ton, du confident au grand méchant, les classiques.
— Il n’y a pas de « mais », moi aussi je peux vous embarquer, pour complicité, et votre belle carte de journaliste, envolée.
Touchée coulée, elle baisse pavillon et se met à table, elle dévide la bobine, depuis sa rencontre avec Pierre-Nicolas. Du coup, il adopte le style grand frère.
— Vous voyez, ce n’était pas si difficile. Vous n’avez rien oublié ?
— Non. Mais lui, il en sait plus que moi. Il faut le faire sortir.
— Plus que vous, mais moins que l’autre là-haut qui est en train d’émerger. Les toubibs n’ont pas voulu que je lui parle, je vais les speeder un peu. Et je crois que votre « ami » est en train de devenir une vedette, catégorie grand banditisme.
Quoi !
On frappe à la porte. Elle s’entrouvre. L’infirmière pointe son nez. Elle s’adresse au policier. Il y a un de ses collègues qui le demande, il dit que c’est urgent.
Il sort.
Nathalie attend, ce qui dans une salle d’attente est tout à fait banal. Elle appelle François, elle tombe une nouvelle fois sur sa messagerie.
Cinq minutes, tout au plus, Dorno réapparaît.
— On avance. Nous venons d’identifier notre homme, c’est un citoyen grec, Angelo Papanopoulos, connu pour ses activités dans les milieux de la prostitution, fiché par Interpol, il a déjà fait de la prison en Grèce pour trafic de drogue et proxénétisme. Du beau gibier. Il ne me reste plus qu’à tailler une petite bavette avec ce brave homme. Si jamais il parle, vous tenez votre scoop.
Il ressort, très fier de lui. Elle s’en va faire un tour à l’extérieur, elle craint les odeurs d’hôpital. Nouveau coup de fil, cette fois au journal pour annoncer l’identification du suspect, elle apprend que Bob a pris l’affaire en main suite à l’arrestation de ce matin aux Pâquerettes. Elle enrage.
Dans les allées du parc, des gens en pyjama discutent.
    Étrange idée que de passer ses vacances ici. Je délire. Ils ne passeront peut-être pas l’été. En attendant j’ai encore des progrès à faire, finalement, il m’a retournée comme une bleue, et cette façon de me dévisager. Il essaierait de me draguer que… Je ne vais tout de même pas me sortir un flic. J’aurais l’air de quoi au boulot ! Et Pierre-Nicolas, qu’est-ce que c’est que ce trafic, lui en gangster, je ne peux pas y croire, il m’aurait manipulée depuis le début… Laisse filer, tu feras le point en eau calme. Il ne me reste plus qu’à être patiente. Quelle horreur !


à suivre...
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(enregistrement artisanal par l'auteur)
La version audio est parfois différente de la version texte.
La raison pourrait en être une persistance des brumes textuelles.
Les poèmes sont des plaques tectoniques, ils bougent, se choquent, s'entrechoquent, emmagasinent de l'énergie, cela produit des failles de sens, des cratères néologiques, parfois aussi des tremblements de vers, des tsunamis sémantiques…