Le début dans la rubrique Texte / Roman
Tours, détours, et retour. Le fleuve est silencieux, l’eau presque violette dans les lueurs du
couchant, une péniche semble voler. Plusieurs hommes, des pêcheurs sans doute, des marins peut-être, échoués là, ils ne se voient pas, ne se parlent pas, le bout de la ville, fin d’un monde. L’un
d’eux se glisse dans l’eau, fait quelques brasses, puis revient, conscient de l’impossible tâche. Odeur de marée, de pourriture humide et chaude.
Le sentier de halage, des herbes hautes, des arbres penchés au-dessus de l’onde, sur le sable des empreintes de castors. Pierre-Nicolas marche lentement, attentif, Robinson sur son île, pourtant la
ville pieuvre est tapie, toute proche, tentaculaire.
Un vaste espace vide s’ouvre devant lui, la chaleur semble sortir de la terre, quelques tas de gravier blanc, éblouissants. Plusieurs monstres préhistoriques, rouillés, immobiles, attendent on ne
sait quel envahisseur.
Soudain, un sifflement s’échappe d’un bosquet, Pierre-Nicolas fait un bond de côté, et est témoin d’une formidable apparition. Semblable à un énorme crapaud surgi des eaux, Fernand, les yeux
rougeoyants, le dos courbé, le happe par la bretelle du sac et l’entraîne à l’abri des regards derrière une touffe de hautes herbes aquatiques emplumées.
— Elle est là, revenue depuis à peine une heure, dans le petit hangar, juste à gauche du bull, tu vois ?
— D’accord, est-ce qu’elle est seule ?
— Oui, mais n’y va pas. Laisse tomber.
Regard ahuri de Pti-Péni.
— Qu’est-ce que tu me chantes ?
— Il y a du mauvais là-dessous, je le sens. Je ne voulais pas t’inquiéter mais depuis quelque temps ça rôde. Du gros calibre. Tu ferais mieux de fiche le camp, pendant qu’il est temps.
Un malaise se lit sur le visage de Pierre-Nicolas, sans qu’il réussisse à en comprendre l’origine, le germe s’enracine. Il demande à Fernand pourquoi ce matin il a dit à Nathalie qu’il fallait
venir ici.
— C’était ce matin. Et puis, je pensais que… Enfin… Pour Pauline c’est dangereux, pour elle, pour toi.
Pierre-Nicolas ne comprend plus rien. Il se doute qu’elle est mêlée à la combine de l’agence et que ses employeurs veulent la buter. Mais lui ne fait pas partie de l’organigramme, il n’est qu’un
élément extérieur, il veut retrouver Maria. Il ne restera pas longtemps. Fernand insiste.
— Je te dis que c’est malsain. Tire-toi ! Ou alors laisse passer quelques jours, le temps que les choses se tassent.
— Je veux lui parler, tu ne peux pas comprendre. C’est un truc entre nous, elle et moi.
— Elle et toi ?
Le regard de Fernand devient plus dur.
— Qu’est-ce que vous manigancez tous les deux ?
— Non, ce n’est pas ce que tu penses… Quoique, je n’ai rien contre les rousses.
— Attention, je t’aurai prévenu, ça sent le soufre, et avec cette putain de chaleur…
Pierre-Nicolas se relève, veut y aller. Fernand lui prend le bras, serre fort.
— N’y va pas !
Il se dégage, remonte sur le sentier. Fernand le rattrape.
— Pour la dernière fois, petit trou du cul, barre-toi, loin, vite ! Cette fille est maudite. Fais-moi confiance.
— C’est pas une question de confiance, juste une histoire, une vieille histoire de fantômes.
Fernand le fixe, comme si ses yeux avaient le pouvoir de convaincre, de…
— Tu roules pour qui Fernand ? Quel jeu joues-tu ? T’es pas qu’un foutu clodo de merde, hein !
Fernand recule et s’évapore. Pti-Péni le regarde disparaître.
Drôle de bonhomme ! Je me demande où il veut en venir, ce qu’il sait ? Bon, quand y faut y aller.
Il se dirige vers le hangar. Pas de face, non, par la bande, protégé des regards par un énorme hippopotame endormi.
Ce coin est sinistre, il a raison, mieux vaut pas s’éterniser.
La porte cède à la première pression, il l’entrouvre à peine, juste assez pour se glisser à l’intérieur. Il suffoque, la chaleur est étouffante, au moins quarante degrés. Il reste sur le seuil,
écoute ce qui se passe, respire, odeurs de vieille huile et de métal rouillé.
Vas-y doucement, il faut sonder le terrain, la panthère est sans doute sur ses gardes.
Il attend une longue minute sans bouger, laisse à ses yeux le temps de s’habituer à la pénombre et à son oreille d’explorer les lieux. C’est plus grand qu’il n’y paraît de l’extérieur. Là encore,
des animaux fossiles. Grues, camions, ombres informes et non identifiables.
Trois pas en avant, nouvelle écoute. Rien ne bouge. Un pas de plus, un autre. Il appelle doucement :
— Pauline ! Pauline, est-ce que tu m’entends ?
Aucune réponse.
— C’est moi, Pierre-Nicolas, je voudrais te parler, je sais que tu es là.
Encore quelques pas, nouvel appel.
— Pauline, réponds-moi !
Il sursaute. Voix brève, lointaine, bruissements métalliques. Il l’entend sans la distinguer.
Ne pas l’effaroucher, prendre des nouvelles.
— Sais-tu ce qu’est devenue Maria ?
Sa voix résonne, un peu comme dans une église. Silence.
— Zico s’est fait pincer. Elle n’était plus dans la maison, tu sais où elle est ?
Le vide. Puis la voix, forte, sèche.
— Maria, je m’en fous. Elle est partie, elle nous a tous plaqués, cocufiés. Laisse tomber, elle n’en vaut pas la peine.
Noir dans la tête, ronde de points d’interrogation, incompréhension totale. Le disque se raye.
— Mais, tu sais où elle est ?
— Je t’ai dit que je m’en foutais, ne me parle plus de cette petite gourde, oublie-la. Moi, tu ne te demandes pas pourquoi je suis enfermée ici, comme une bête traquée, ça ne t’intéresse pas, bien
sûr !
Il ne sait pas s’il doit se découvrir, dire ce qu’il sait, soupçonne. Il évoque la police, pour voir. La réaction est immédiate.
— Imbécile ! Tu ne comprends rien, rien du tout ! Je n’ai rien à craindre de la police. Je risque simplement le béton aux pieds et bonjour les poissons. Si je ne peux pas me barrer cette nuit, je
suis foutue, tu comprends, foutue !
— Je peux peut-être t’aider. Maria, tu l’as revue ?
— Non, elle m’a laissé un message. Sympa la fille !
— Alors ! Elle est libre ?
Rire hystérique de Pauline.
— Elle se fait bronzer le cul à l’heure qu’il est. Elle est loin, envolée. Il s’appelle Marc, un petit truand, celui qui la gardait dans la fameuse maison, lui aussi est tombé sous le charme, mais
il a eu plus de chance que toi, il a su s’y prendre. C’est lui maintenant qui a la belle petite araignée noire, c’est à son tour de se faire bouffer. Pour ce qui est de m’aider…
Il avale sa salive, des parasites sur la ligne. Malgré tout, il s'avance vers la voix. Il traverse une flaque de lumière, par endroit le toit est disjoint. Pauline le voit, elle n’en croit pas ses
yeux. La touche qu’il a avec son short, ses manches courtes et son petit sac, le vrai boy-scout. Il n’a pas changé. C’est ce qu’elle se dit.
Elle se décale d’un mètre. Ils sont face à face, mais ce n’est pas le farwest et il manque la musique de Sergio.
Pierre-Nicolas fonctionne en mono, idée fixe.
— Toi… tu… tu faisais partie du réseau de l’agence M.E.D.I.N ?
— Hou ! Bien ! Tu as trouvé ça tout seul ? Non, pas moi, Isabelle oui, c’est plus compliqué que tu crois. Isabelle voulait s’en sortir, elle a été trop pressée, ils l’ont eue, mais pas le fric. Ils
m’ont soupçonnée aussi, ils voulaient me faire peur, m’obliger à bouger, à commettre une erreur.
Il remarque son bras gauche qui pend le long de sa cuisse, au bout, dans sa main, une arme. Elle est à moins de trois mètres de lui. Il ne bouge pas. Elle hésite, laisse passer une aile de silence,
puis, tout bas :
— Écoute-moi Pti-Péni, ça m’amuse de t’appeler comme ça. J’aurais dû y penser. On est dans le pétrin, jusqu’au cou, et toi avec moi. Ce soir, j’aurai de l’argent. Ensuite, on file vers l’Espagne.
J’ai une amie qui nous aidera. Viens avec moi.
Il reste planté comme un vieux clou sous une douche d’antirouille. Son cerveau est en pilotage automatique. Pauline vient à lui.
— Tu n’as pas vraiment le choix, si tu sors d’ici, tu te fais descendre. Juliette ne te laissera pas gambader comme un jeune veau que tu es.
Plus que d’antirouille, c’est de bons antibrouillards qu’il aurait besoin. Pauline poursuit.
— Tu es devenu dangereux à trop vouloir savoir.
Petite lueur dans sa nuit, une forme blanche, ce n’est pas le bon fantôme, pas celui qu’il pensait trouver là.
— Juliette ? Qu’est-ce que tu racontes ? Moi, dangereux !
Pauline est toute proche de lui. Elle le prend par la main, pose un doigt sur ses lèvres et l’entraîne vers son antre. Il fait grand noir, mais la chatte sait où elle va. Lui, se laisse guider,
docile.
— C’est là. Ce devait être une loge pour un gardien. Nous serons mieux pour discuter.
Elle allume une lampe de poche, la pose sur une caisse et la couvre d’un mouchoir.
Une pièce de trois mètres sur deux, quelques couvertures, une chaise à trois pieds appuyée contre le mur, sur la chaise, une valise à roulettes.
— Tu vois, je suis prête à partir, je t’emmène, cette nuit on sort d’ici. Je vais récupérer cinq cent mille euros à Séville, et ensuite, le Brésil ou n’importe où.
Il s’assoit par terre. Elle pose son arme.
— C’est reparti nous deux, si on m’avait dit… ça fait combien d’années que tu m’as laissé tomber ?
Il transpire à grosses gouttes, la moiteur du lieu, et la sensation que la situation lui échappe.
— Je suis parti, et tu sais très bien pourquoi. Maintenant, si tu me disais tout. Cette Juliette, ces cinq cent mille euros, et pour quelle raison je me ferais tuer en sortant ?
Elle allume une cigarette.
— Écoute, je vais te raconter une histoire. Tu veux savoir qui j’étais ces dernières années, depuis mon retour. Eh bien, je vais te le dire. Je faisais le trottoir, et avec le fric, je m’achetais
de la came. Un beau jour, je me suis fait maquer et ils m’ont obligée à en vendre de cette merde de poudre. On était une dizaine de filles, paumées camées, ça a duré un paquet de temps, de vraies
esclaves, zombies sur bitume. Isabelle est arrivée, nous avons sympathisé tout de suite, nous sommes devenues de super copines. Elle m’a fait diminuer mes doses, passer mon test, négatif, un
miracle, j’allais mieux. C’est à cette époque que j’ai rencontré Maria. Tu vois, même après ce que je t’ai dit tout à l’heure, je n’arrive pas à lui en vouloir. Grâce à elle, j’ai décroché, presque
du jour au lendemain, et je me suis fait interner, pour une cure. Contre ça ils ne pouvaient rien, j’y suis restée trois mois. Maria ne m’a pas laissé tomber, elle ! Elle était étudiante, elle
m’écrivait, puis elle a pu venir me voir. Quand je suis sortie, nous nous sommes installées aux Pâquerettes. Le seul contact qui me restait avec le réseau, c’était Isabelle. Mais je n’ai pas repris
du service, j’ai tenu le coup. Tu imagines bien qu’ils m’ont relancée, menacée, ils ont tout essayé, mais avec Maria, j’étais forte.
Il y a trois semaines, Isa était excitée comme une puce, elle avait un moyen de nous venger de Juliette, et d’empocher le gros lot.
Ce prénom agit sur Pti-Péni comme la clochette de Pavlov.
— C’est qui cette Juliette ?
— Une dingue, une nana complètement givrée mais hyper intelligente, c’est elle qui dirige tout, personne ne lui résiste, les mecs sont à genoux devant elle. Elle est belle et… tu ne vas pas me
croire, elle est aveugle ou presque, je ne sais pas, c’est tellement…
Il est devenu vert, les yeux exorbités, changé en grenouille, d’un coup. Pauline le regarde, se demande s’il va éclater. Il éclate.
— Une belle aveugle ! Avec une canne blanche, des lunettes noires… type eurasien ?
Elle lui fait signe de parler moins fort.
C’est à son tour de pâlir. Bouche sèche, gorge serrée dans un étau.
— Tu connais Juliette ! Oh putain ! On est foutu !
Pierre-Nicolas prend les mains de Pauline.
— Attends, explique-moi, avec Isabelle Plantier, vous avez fait quoi exactement ?
— On lui a piqué une livraison de coke, y en avait pour un million, de la pure, pas encore coupée. Comment est-ce possible que tu connaisses Juliette ! Mais qu’est-ce que tu fous là ? J’ai
peur.
Il raconte pour la x-ième fois sa fameuse nuit sur les pentes, et ensuite le soir de la visite au Lézard Bleu, quand il l’a suivie au bord de la Saône, la jonque.
Merde ! Merde ! Merde !
Pauline s’en mord les doigts de rage.
— Voilà pourquoi tu as atterri aux Pâquerettes. Il n’y a jamais de hasard. Je connais Juliette, elle ne te laissera pas en vie bien longtemps après le coup que tu lui as fait. Enfin, à ce qu’elle
croit. Et puis, finalement, tu vas lui donner raison.
Pas de dissipation des brumes matinales dans la tête de Pierre-Nicolas, mais le germe se transforme en plante carnivore. Il ne veut pas encore y croire.
— Une marionnette. C’est vraiment tout ce que tu es mon Pti-Péni, un pantin. Écoute ça. Juliette s’est fait piquer pour un million de coco. Devine quand. Tu ne vois pas ? Une nuit. Une nuit où un
brave péquenot bien lourdaud l’a baratinée et lui a fait perdre du temps. Un temps très précieux. Depuis, elle cherche, elle surveille, elle tire les fils. Et toi, tu me tombes dans les pattes, et
je suis obligée de faire avec. Je n’ai pas le choix, toi non plus. Si on se sépare… Couic ! Notre dernière chance, c’est qu’elle ne sait pas que nous nous connaissons. Tu sais tout. C’est quitte la
vie ou double la mise.
Il emboîte les pièces du puzzle, ce qu’il entraperçoit ressemble à un tableau de Jérôme Bosch et lui n’est qu’un des minuscules personnages monstrueux.
La seule issue qui lui apparaît, c’est une négociation, restitution contre liberté. Il fait part de sa réflexion à Pauline.
— Je la connais trop bien, ce n’est pas possible. On est tout petit à côté d’elle. Elle a des appuis politiques, une partie de ses bénéfices sert à financer les campagnes électorales. J’en sais
trop, beaucoup trop. Non, notre seule et unique chance, c’est cette nuit, s’il n’est pas déjà trop tard. J’ai la bagnole, j’aurai du fric, et toi. On file en Espagne. C’est là qu’Isa a négocié la
came. C’est à son retour que Juliette lui a mis le grappin dessus… Trop tard pour récupérer la monnaie, enfin j’espère, on saura demain, en attendant…
Il ferme les yeux, se laisse aller. Pauline s’allonge près de lui, l’enlace, pose ses lèvres contre les siennes. Sa main défait des boutons, caresse. Il la prend, la déshabille, la serre contre
lui. Des seins, un sexe, une bouche de femme.
Les deux corps s’enchevêtrent, s’enroulent. Ils se lèchent, se mordent, se griffent, se bouffent, la queue, la chatte. Ils dégoulinent de sueur, de jus, de son eau, de son foutre. Il râle, elle
gémit.
— Baise-moi, rebaise-moi encore, suce-moi, pompe-moi, vide-moi. Tu viendras avec moi, dis ?
Fatigués, essoufflés, ruisselants mais pas encore repus. Il vient. Ils s’empoignent, s’enivrent. Combien de temps ? Ils ne le savent pas. Ne le sauront jamais.
Pauline tient la bitte de Pti-Péni dans sa main.
— Tu sais que tu es mon premier mec depuis que j’ai décroché ? Je m’étais juré de ne plus y retoucher. J’ai tenu plus d’un an. Mais la différence, elle n’est pas entre les jambes, c’est tout du
pareil au même, queue ou con !
Il essaie de se dégager, elle presse fort, il a mal !
— Tant mieux, c’est bien que tu aies mal. Moi aussi j’ai mal.
Elle s’agenouille sur lui, glisse le machin en elle et anime ses hanches, violemment. Il crie, il s’agrippe, contre-plongée, rideau de lumière orangé devant les yeux, et puis… très loin…
Un chuintement, léger, régulier, on dirait… C’est comme…
Image sortie de la nuit, de la mémoire. Sa salive s’épaissit, cœur qui hésite, bondir ou s’arrêter. Il l’étreint, l’enserre, tentative de fusion des sens, des atomes, pour ne plus voir, ne pas
entendre. Il aime, il… Le plaisir qui monte, qui vient, aveugle. Comme une aveugle dans la nuit.
— NOOON !!!
Vision de cauchemar, d’épouvante, dans l’encadrement de la porte, la bouche noire de l’enfer, et derrière, un visage, juste eu le temps de le reconnaître avant que le feu ne se déchaîne.
Éclairs et fracas, assourdissants, et puis plus rien.
La même chair, le même sang, deux corps en un, trop de plomb pour une bonne farce. Os et viscères mélangés, petite et grande morts mêlées. De la cervelle contre les murs, des dents éparpillées et
d’autres trucs, gluants, visqueux.
Du très gros calibre, automatique.
— Bon voyage mes agneaux. Dommage, vous aviez presque le temps de filer, si vous m’aviez écouté. Mais voilà ce que c’est, le cul, toujours le cul… Connard de Pti-Péni, tu vas me manquer. Ce que
c’est que le destin…
Un pas rapide résonne sur les tôles. Et puis.
— Pierre-Nicolas ! Tu es là ? Tout va bien ?
L’homme se raidit, recule, disparaît.
La journaliste, manquait plus qu’elle, j’aurais dû m’en douter, faut que je m’éclipse par la trappe.
Une lumière jaillit et l’éblouit. Instinctivement, il abaisse son fusil et tire une rafale. Vacarme. Un cri de frayeur, la lampe s’éteint, le silence de nouveau, plus intense.
Nathalie a eu le bon réflexe, lâcher sa torche et se jeter par terre. Elle n’est pas blessée, mais sous le choc, le palpitant à plus de dix mille.
Du calme. Ne pas bouger, écouter. Le premier qui remue est mort.
Elle saisit son pistolet, retire la main de sa poche, enlève le cran de sûreté et arme. Prête à tuer.
Les secondes qui passent lui permettent de retrouver un peu de souffle et de calmer son cœur. Elle scrute.
Le tueur se déplace à couvert et se met en position.
— Mlle Zarena ! C’est bien vous, n’est-ce pas ? Sortez, sauvez-vous, ne restez pas là, c’est très dangereux.
Qui parle ainsi, m’appelle par mon nom ? Cette voix, cette voix ne m’est pas inconnue, mais où ? Et quand ?
Elle lève son Beretta en direction de la voix. Elle ne distingue que vaguement les contours des machines.
— Qui êtes-vous ? Où est Pierre-Nicolas ?
— Ils sont partis, lui et Pauline. Partez vous aussi, vite.
— J’ai entendu les coups de feu. Je ne vous crois pas. Qui êtes-vous ?
Une bouffée d’angoisse lui coupe le souffle, là, dans son dos, quoi, une présence, une forme. Elle se retourne, enfonce ses yeux dans la nuit. Elle hurle de terreur.
Le coup part tout seul. Elle détale vers la sortie, à quatre pattes, se cogne, tombe, se blesse au genou, des larmes lui inondent les yeux.
Le tueur progresse lentement. Nathalie l’entend, braque dans sa direction et tire au jugé, une fois, deux fois, trois fois.
— Garce ! Salope ! Putain de chiottes de sale petite pute !
Il balance une nouvelle rafale, dans le décor.
Bruits de pneus à l’extérieur, le portail du hangar s’ouvre dans un fracas métallique. Les lumières des phares éclaboussent violemment l’intérieur. Des hommes qui courent, uniformes, cavalcade,
Dorno est du nombre.
Police, gyrophares, sirènes.
Dans la lumière blanche, le corps d’un homme, assis sur le ciment, il lève les mains devant sa figure pour protéger ses yeux.
Les policiers le ceinturent et prennent son fusil-mitrailleur.
Il est blessé à une jambe, il grimace de douleur.
Nathalie se précipite sur lui.
— Où sont-ils ? Répondez-moi !
Elle est devant celui sur lequel elle vient de tirer, qu’elle aurait pu tuer, qui aurait pu la tuer. Elle le reconnaît.
Le capitaine Dorno s’approche et questionne.
— Vous le connaissez ?
— Oui, il s’appelle Fernand. Je crois que Pierre-Nicolas l’aime beaucoup.
Elle s’adresse à Fernand :
— Où sont-ils ? Où est Pierre-Nicolas, où est Pauline ?
Fernand esquisse une moue fataliste, il sait que pour lui, la partie est terminée. Il indique le fond du hangar d’un mouvement de tête.
Un des collègues de Dorno s’est approché, il lui glisse quelques mots dans l’oreille.
— Nathalie, attends ! N’y va pas !
Elle entre dans la petite chambre nuptiale. Pierre-Nicolas gît, ensanglanté, méconnaissable, les couilles molles et encore poisseuses. Il a eu le temps de jouir. Sa tête a explosé comme un melon
trop mûr. Sur lui, un peu de travers, Pauline, les yeux perdus, la main serrée sur la crosse de son revolver que dans un dernier réflexe de survie elle a saisi.
Elle s’agenouille près des corps, elle touche la main encore chaude de Pierre-Nicolas, fait glisser la bague qu’il porte à l’annulaire gauche, la met dans sa poche. Du sang coule sur sa jupe verte.
Ses yeux restent secs, sa gorge bloquée par l’horreur.
Ses lèvres remuent doucement, juste un murmure :
— Le diable, c’était le diable, je l’ai senti, il était derrière moi. Je te jure que je le retrouverai, que je lui ferai payer, je te le jure.
Elle se relève. Dorno, plus pâle que les morts, lui prend la taille et l’éloigne de la scène du crime.
Allongé sur un brancard, menottes aux poignets, Fernand se laisse embarquer. Nathalie lui parle :
— C’était votre ami, il vous aimait. Pourquoi les avez-vous tués ?
Fernand reste silencieux, ne baisse pas le regard.
— Répondez ! C’est fini ! Vous n’avez plus rien à perdre ! Pourquoi ? Pour qui ?
Elle s’agrippe, l’invective. Fernand ferme les yeux, détourne la tête. Dorno la retient. Bruit de portières, l’ambulance s’éloigne. Nathalie pète les plombs et cogne sur le capitaine, de toutes ses
forces.
presque la fin... l'épilogue à mon retour et si j'ai au moins une proposition de titre en commentaire ! Et
aussi des critiques fond / forme et autre car c'était un peu le but du jeu avant envois à des éditeurs.... d'avance merci à ceux et celles qui sont resté(e)s juqu'au bout.